Lindisfarne, l’art insulaire de l’enluminure
A l’instar du livre de Kells, l’évangéliaire de Lindisfarne est l’un des plus beaux manuscrits enluminé du début du Moyen Âge. Il fut réalisé au monastère de Lindisfarne sur une île située au nord de l’actuelle Angleterre, à la fin du VIIe siècle par un moine nommé Eadfrith, qui deviendra ensuite évêque de Lindisfarne.
Composé de plus de 250 feuilles de vélin, le manuscrit contient les textes des quatre Evangiles, en latin. C’est un exemple étonnant de la force de la foi chrétienne durant une des périodes les plus turbulentes de l’histoire britannique.
Quelques ajouts au Xe siècle
On remarque sur différents folios des éléments textuels placés entre les lignes du texte original. Il s’agit d’ajouts rédigés dans une ancienne langue anglaise par Aldred (Prévost de Chester-le-Street) au milieu du Xe siècle, afin de rendre le contenu plus accessible à la communauté anglophone.
Les scribes ont également ajouté des colophons pour indiquer les circonstances de leur travail (le lieu, la date, le prix du manuscrit, …). Le colophon d’Aldred indique que les évangiles ont été écrits par Eadfrith, la reliure originale a été fournie par Ethelwald (successeur d’Eadfrith) et l’ornementation extérieure a été faite par Billfrith, un anachorète de Lindisfarne. Il y déclare également que les Évangiles ont été créés pour Dieu et Saint Cuthbert.
Saint Jérome
Folios 2v et 3
La première des cinq grandes ouvertures décorées du manuscrit introduit la lettre que saint Jérôme adressa au pape Damasus, à la demande duquel il a procédé à la révision du texte de la Bible latine à la fin du IVe siècle.
Le frontispice intègre une croix. Il fait face à la page d’introduction portant une lettrine (N) richement décorée, introduisant le mot latin «Novum» (nouveau).
Table Canon
Folio 11
L’une des seize pages de tables Canon du manuscrit de Lindisfarne.
Le système de tables Canon est un dispositif de concordance inventé pour indiquer quels passages sont partagés dans les différents évangiles. Il montre, par exemple, si un passage particulier dans l’Évangile de Matthieu apparaît aussi dans Marc, Luc et Jean.
Saint Matthieu
Folio 19
Chacun des quatre évangiles est précédé d’un texte introductif qui ne fait pas partie du texte biblique. Ces passages se distinguent par de petits groupes de lettres capitales décoratives, qui intègrent des ornementations.
On voit ici clairement la traduction interlinéaire d’Aldred du texte latin original en anglais ancien.
Folios 26v et 27
La page tapis située au début de l’Evangile de Saint Matthieu est peut être la plus connue du manuscrit de Lindisfarne. C’est un remarquable exemple de composition d’entrelacs multicolores.
Sur la page opposée, l’évangile s’ouvre sur les mots latins : « Liber generationis iesu christi » (le livre de la génération de Jésus-Christ).
Folio 29
L’Évangile de Saint Matthieu inclut une seconde page principale, marquant le début de l’histoire de la naissance de Jésus. Les trois premières lignes contiennent les mots: « Christi autem generatio sic erat ». Ce qui peut se traduire par « voici dans quelles circonstances Jésus-Christ vint au monde »
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Folio 93v
Le deuxième évangéliste, Saint Marc, est ici accompagné de son symbole traditionnel, un lion. Comme Matthieu, il est représenté dans un habit apparemment copié d’un modèle classique tardif.
Dans cette enluminure, le lion est peint de façon plus réaliste que dans la plupart des représentations animales de l’époque médiévale. La couleur dorée de sa fourrure suggère également une bonne connaissance de la bête.
Saint Luc
Folio 137v
Le troisième évangéliste, Saint Luc, est représenté de son symbole traditionnel, un taureau (ou jeune veau). Il est assis dans la même position que celle adoptée pour St. Matthieu et, comme lui, porte la barbe.
Folios 138v – 139
La page-tapis en croix qui introduit l’évangile de Saint Luc ne fait qu’une utilisation limitée de l’ornementation animale et apparaît globalement plus géométrique que les précédentes.
Sur la page de droite, l’évangile s’ouvre sur les mots « Quoniam quidem multi conati sunt ordinare narrationem » (Beaucoup ayant entrepris de mettre en ordre le récit).
Saint Jean (liste de lectures)
Folio 208
Cette page est l’une des rares sur laquelle l’écriture originale d’Eadfrith peut être admirée. Elle est en effet presque entièrement épargnée par les annotations ajoutées par Aldred au 10e siècle. Le texte donne des détails sur certains passages qui doivent être lus les jours de fêtes spécifiques.
On peut admirer une écriture assurée et remarquablement régulière. Ce style particulier d’écriture, conçu pour une utilisation formelle (rédaction de textes officiels et sacrés), est connu sous l’appellation de « majuscule insulaire » ou « semi onciale ».
Folios 210v – 211
Cette page-tapis et la lettrine introduisant l’Evangile de Jean sont les dernières enluminures du manuscrit de Lindisfarne. Elles sont d’une richesse et d’une complexité exceptionnelle, utilisant les différents éléments du vocabulaire décoratif d’Eadfrith dans une sorte de bouquet final d’ornementations.
Colophon
Folio 259
Sur la dernière page du manuscrit une grande partie de la deuxième colonne de texte a été initialement laissée en blanc. Ici Aldred a décidé d’ajouter une inscription importante en vieil anglais précisant les détails de l’histoire des Evangiles. Les noms qu’il donne peuvent tous être trouvés dans d’autres sources historiques.
Bien évidemment, n’hésitez pas à laisser vos impressions et commentaires ci dessous =)
Sources : bbc.co.uk, lindisfarne.org.uk, bl.uk, wikipedia.org, studyblue.com, instantcalligraphie.com
6 Commentaires. En écrire un nouveau
thank a lot for yours research about this book!!!
Splendide !! Merci infiniment pour ce récapitulatif complet et instructif, je travaille actuellement sur l’alphabet de l’Evangéliaire de Lindisfarne » puis-je disposer des annotations et photos des documents s’il-vous plaît ? Bonne journée
Bonjour Marie-Noëlle
Désolé de cette réponse extrêmement tardive.
Bien sûr, vous pouvez utiliser tous ces éléments.
Cordialement
I cannot tell you how much I appreciate these pages, and how inspiring they are! Especially clicking on your name « Mireille » and seeing that you offer courses saying « You too, can do Illumination! » What a wonderful way to go and spend one’s days, in peace, contemplation and adding to the beauty and harmony of the world. Gracias = Grace, and thanks to ALL.
« The winds of grace blow all the time. All we need do is set our sails. » Dear God, please show me The Way. »
Thank you for this beautiful and informative article discussing one of the most beautiful bibles of all time, the Gospels from the Lindisfarne Bible in the 7th Century. It’s hard to believe this work could be done when so many could not read or write, yet these calligraphers and scholars could reach such heavenly heights! Gracias = Grace, Amen.
Thank you Catherine for this comment 😉